Propositions de quelques repères pour la résistance
Mes motivations pour cet article
viennent des réflexions que j'ai commencé à faire quant à notre perspective de
résistance à Rio où différentes stratégies s'offrent à nous. Première option:
on vise à établir un rapport de force avec tous nos partenaires de la société
civile contre les propositions minimalistes de l'ONU et contre des pays qui, comme
le Canada, semblent tout à fait inconscients et sans souci du bien commun; ce
faisant, on mise qu'une telle approche, bien soutenue et appuyée, pourrait
améliorer les chances de voir un certain nombre de pays bonifier leurs
engagements ou à tout le moins chercher à influencer d'autres pays en ce sens.
Deuxième option: on met l'essentiel de nos énergies à partager nos expériences
et à créer des alliances pour lutter plus efficacement dans chacun de nos pays
et régions au retour. Troisième option: on mise sur une résistance plus
inclusive, plus ouverte, tout en claironnant
assez fortement nos exigences de base pour le virage essentiel à faire;
ici on dépasse le nihilisme et on élabore d'autres visions du monde. Enfin, une
autre stratégie pourrait inclure à différents degrés les trois premières. Dans
ce texte je vais très brièvement explorer quelques balises pertinentes peu
importe la stratégie. Je le ferai d'abord à partir de quelques questions. Ceux
et celles qui veulent, pourraient enrichir cette simple amorce de réflexion à
partir du Blog de la délégation.
D'abord, comment pourrait-on dépasser une
simple attitude réactionnelle vis à vis le cul de sac écologique à l'horizon,
et la détérioration des droits humains ?
Comment ne pas tomber dans le même piège de la pensée unique qui marque
le néo-libéralisme actuelle ? Comment éviter de strictement démoniser le
capitalisme sauvage et incontrôlé, ou encore la technologie, et ce faisant,
établir deux camps opposés, comme les néolibéraux le font avec nous, les
bien-pensants de l'écologie et des droits humains ? Comment sortir de ce carcan
cartésien dualiste ? Une voie peut-être: il nous faut une réflexion sur le
NOUS, capable de nous aider à sortir de l'alternative binaire entre la serre
chaude communautarienne et la froide cité libertarienne.
Je pense qu'il faut le faire en
posant la question éthique, c'est à dire en posant la question de la
valeur des fins poursuivies par la mise en œuvre de la technologie sans balise et
du capitalisme tout azimut, et aussi en questionnant l'adéquation de ces moyens
avec les fins poursuivies. Il s'agit de sortir de l'interdit de penser qui
semble de mise, de plus en plus souvent, quand quelqu'un ose remettre en
question les fins, les intentions, derrière le type de développement actuel et
le supposé besoin de création de richesse, finalement souvent pour une minorité;
on rencontre le même interdit quand l'idéologie scientiste nous enligne dans le
canal étroit des seules réponses techniques. Il m'apparaît aussi primordial de
dépasser la seule dénonciation et le rôle de prophète de catastrophe. Sachons
être inspirant et dépasser la peur de l'avenir.
Enfin, autre balise, il me semble
qu'il serait judicieux de garder en tête, particulièrement nous de l'occident,
la nécessité d'une modernité métisse,
comme la nomme Jean-Claude Guillebaud (Le commencement d'un monde;, Seuil,
points-essais, 2008). La notion de droits humains et le concept de
progrès par exemple, sont tous deux issus d'une tradition culturelle occidentale.
Face aux changements à faire, qui s'imposent chaque jour avec plus d'acuité, il
faut s'ouvrir à d'autres visions du monde tout en sachant garder du nôtre ce
qu'il a de meilleur. Cela entraîne la nécessité de créer les conditions pour
une délibération démocratique et productive constante. Enfin, n'oublions pas de
maintenir sur nous le phare de la conscience critique et cela en permanence.
Voilà donc une petite amorce dans
le sens d'une éthique de la résistance pour nos interventions à venir. Elles se
situent dans le même champ d'exploration que la présentation de Réjean
Villeneuve lors de la dernière journée de formation. Finalement il me semble
que notre présentation de groupe sur le Plan Nord serait un matériel tout à
fait approprié pour articuler concrètement une autre vision du monde et arriver
à Rio avec une attitude critique doublée d'une proposition véritable.
Caroll McDuff